En ces temps de crise énergétique, le terme « veille » est un peu persona non grata. Nous sommes invités à éteindre nos appareils électriques plutôt qu’à les laisser en veille.
Or ce terme a, pour les avocats, une tout autre signification. Ce professionnel du droit pense, avant tout, à la veille juridique, qui fait déjà partie intégrante de son planning hebdomadaire. Mais il oublie un peu plus souvent que la veille peut également concerner ses clients et prospects et leurs secteurs d’activité, ainsi que son marché, et qu’elle est un outil indispensable de développement de son activité. En effet, c’est grâce à cette veille que l’avocat pourra non seulement répondre pertinemment aux demandes de ses clients, mais qu’il pourra anticiper ses besoins ainsi que ceux des autres acteurs du marché et permettre un afflux plus important de dossiers.
Dès lors, quel type de veille est utile ? Comment l’intégrer efficacement dans le quotidien déjà bien chargé de l’avocat ?
Nous vous proposons ci-après quelques pistes et éléments de réponse.
1 – Quel type de veille peut vous être utile ?
Suivre l’activité de vos clients
Aujourd’hui, l’avocat d’affaires n’est plus tenu de simplement répondre aux demandes de son client, mais il se doit de les anticiper pour réellement jouer son rôle de business partner.
Le premier cercle : le client par le client
La première source d’information sur l’activité de votre client est votre client lui-même. Cela suppose un suivi attentif de son actualité, lequel pourra se faire de manière formelle et structurée, ou de manière plus informelle. L’enjeu est ici de vous extirper d’une relation concentrée sur le dossier à traiter pour l’ouvrir sur les enjeux internes et externes que votre client aura lui-même identifiés.
Le deuxième cercle : le client par les sources externes
Ce suivi « en personne » pourra être doublé d’une veille client par le biais de sources externes. Cela viendra compléter les informations véhiculées par votre client. Il s’agit encore là d’améliorer votre appréhension des enjeux de votre client en ouvrant et en changeant de perspective. Un regard externe offre toujours une perspective différente qui peut permettre d’identifier de nouveaux enjeux et de nouvelles opportunités.
Le troisième cercle : le client et son environnement
Pour acquérir une compréhension fine des forces en puissance, il sera également essentiel de s’intéresser à l’environnement de votre client et à son secteur d’activité. Avec ce troisième cercle, nous ouvrons encore le champ de vision pour envisager les aspects plus macros de sa réalité business et potentiellement, ici encore, identifier des défis que le client n’aura peut-être pas encore repérés, ainsi que des perspectives de développement.
Suivre l’actualité de vos prospects
La démarche est la même pour vos clients, à l’exception du premier cercle qui ne vous permettra probablement pas d’obtenir un niveau équivalent d’information à celui que vous obtiendrez directement auprès de votre client.
Suivre l’activité de votre marché
Les clients des cabinets d’avocats d’affaires font souvent appel à des structures différentes en fonction des problématiques qu’ils rencontrent. Dès lors, ceux-ci font l’expérience de services - différents - et entretiennent une relation propre avec chacun de leurs avocats.
Qui sont vos concurrents ? Que font-ils pour se démarquer ? Quels services proposent-ils ? Comment communiquent-ils ? Il s’agit ici de réaliser une veille concurrentielle afin d’obtenir une vision claire et précise des forces concurrentielles en présence et de mieux les appréhender.
Au-delà de la veille concurrentielle, une veille plus générale et prospective portant sur votre marché vous permettra d’anticiper les grandes tendances en termes de services clients et ce dans l’objectif, a minima, de ne pas rester à la traine par rapport à vos concurrents et, au mieux, d’innover pour en tirer un avantage concurrentiel, dès lors que cela s’inscrit dans votre stratégie de positionnement.
Sans oublier que beaucoup d’avocats d’affaires sont mandatés par leurs confrères et consœurs, français et étrangers, pour intervenir sur des dossiers, car ceux-ci disposent d’un savoir-faire particulier et reconnu sur certaines questions. Les confrères et consœurs sont ici à envisager comme des clients pour ce qui concerne la veille.
La veille parait donc fort utile dans la gestion de votre relation client et dans le développement du cabinet. Mais voilà, la veille prend du temps ! Et le temps manque cruellement lorsque l’on est avocat. Alors comment faire pour éviter de venir grossir de trop la to do list de l’avocat ?
2 – Quelles modalités pratiques pour que votre veille soit efficace ?
L’efficacité s’appuie souvent sur des process, des outils, des modèles, de la méthode et des objectifs clairs.
Des process
Faire le point avec son client de manière régulière au sujet des dossiers en cours est essentiel. Il est toutefois également nécessaire d’ouvrir la discussion de manière plus générale sur les autres projets en cours, mais également de manière plus spécifique sur son retour d’expérience concernant le service que vous lui avez délivré.
Cet exercice n’est pas toujours mis en œuvre parce que les circonstances ne s’y prêtent pas, ou encore par manque de temps, manque de savoir-faire ou simplement par peur que cela soulève des difficultés qui seraient restées, sinon, bien sagement cachées sous le tapis.
L’introduction d’un process formel d’entretien client peut aider à trouver ce moment nécessaire pour lever le nez du guidon et sortir des dossiers. Mais il est également tout à fait possible de provoquer une discussion dans un cadre moins formel, tel qu’un événement social organisé par le cabinet par exemple. Ce cadre ne sera toutefois pas adapté au recueil du retour d’expérience du client (qui est, en réalité, un autre sujet à part entière).
Des outils
Le service documentation en cabinet est souvent chargé de réaliser une revue de presse quotidienne qui pourra être réalisée en fonction des clients et du positionnement du cabinet.
Or, de nombreux cabinets ne disposent pas de ce type de ressources en interne. Ils peuvent toutefois s’appuyer sur des outils de revue de presse reposant sur un système de mots clés, comme le nom d’un client, ou encore d’un type de produit ou service, d’un secteur etc...
A noter toutefois que les articles ainsi transmis sont soumis au droit d’auteur et qu’en fonction de l’utilisation qui en sera faite, notamment en cas de diffusion en interne, il sera nécessaire de payer des droits au CFC. Cela nécessitera donc un suivi administratif un peu rigoureux.
Il est utile, en outre, de vous abonner à la newsletter de votre client, à ses comptes sur les réseaux sociaux. Vous serez ainsi informé rapidement de son actualité.
Il est enfin également possible de créer des alertes Google, mais avec un taux de résultats peu pertinents parfois élevé, sans compter qu’une telle recherche ne couvrira pas la presse écrite.
Des modèles
Identifier une opportunité pour vendre vos services est une première étape, il s’agit ensuite de le faire savoir à vos clients et prospects.
Disposer de modèles de pitch prêts à être utilisés en fonction des problématiques soulevées est bien utile pour intervenir et vous positionner rapidement sur une offre pertinente et adaptée. Cela ne vous dispensera pas de développer un argumentaire sur-mesure pour votre client ou votre prospect, mais grâce à la veille, votre argumentaire gagnera en pertinence.
De la méthode
Les informations ainsi rassemblées dans le cadre de votre exercice de veille seront à consigner avec rigueur et méthode pour pouvoir être utilisées efficacement. Sur ce terrain, les CRM peuvent proposer des solutions puissantes et efficaces, mais ont un coût élevé et ne sont généralement pas adaptés aux petites structures. Aussi, la plupart des avocats peuvent-ils préférer utiliser des fiches clients ou autres tableaux afin de rassembler les informations importantes au sujet de leurs clients et prospects.
Même en utilisant des outils technologiques puissants, rigueur et méthode seront de mise pour que les informations ainsi collectées puissent être utilisées efficacement.
Des objectifs
Une bonne manière d’introduire la veille dans le quotidien de l’avocat est d’en faire l’objet d’objectifs SMART.
Un objectif SMART est Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et défini Temporellement.
Un exemple pourrait être de réaliser une revue de presse quotidienne sur un client important du cabinet pendant 6 mois afin d’affiner votre compréhension et vos connaissances. Un autre exemple serait d’inviter votre client tous les ans à un événement au cours duquel un temps serait spécifiquement dévolu à une discussion sur la mise en perspective, ses projets et enjeux, au sens large.
Si l’un des rôles de l’associé dans un cabinet d’avocats est de développer l’activité, il peut être relayé sur les sujets de veille par des collaborateurs qui trouveraient ici l’occasion d’acquérir des compétences en business développement et se sentiraient valorisés.
Grâce à la veille, nous pourrez facilement démontrer à votre client que vous connaissez réellement son business. Vous pourrez aussi bondir rapidement sur des opportunités de développement. Vous pourrez enfin développer vos compétences et celles de vos collaborateurs.
Et si la veille venait s’inscrire sur votre liste de bonnes résolutions de l’année 2023 ? Vous savez, celles que l’on tient vraiment !
Nous pouvons vous conseiller et vous accompagner dans la définition d’une stratégie de veille, ainsi que dans sa mise en place au sein de votre cabinet.
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